Rémi Dalisson, Les soldats de 1940. Une génération sacrifiée, CNRS Editions, 21 mai 2020
Présentation
Il est des répliques ou des héros cinématographiques qui gravent dans le marbre des représentations collectives. Celle des cinq millions de soldats de la « Drôle de guerre », mobilisés en 1939 et vaincus en 1940, fait incontestablement partie de cette catégorie. Ils sont résumés par des personnages caricaturaux passés à la postérité comme Fernandel dans La vache et le prisonnier ou, vingt ans plus tard, par des films comme la Septième compagnie et ses répliques telles « Ah, elle est belle l’armée française ! ». Et à la veille du 80e anniversaire de « l’étrange défaite » (Marc Bloch), les choses n’ont guère changé pour ces hommes prétendument défaits sans combattre malgré leur héroïsme à Dunkerque ou sur la ligne Maginot, captifs manipulés par Vichy et oubliés dans les Stalags ou Oflags. Marginalisés sur les monuments aux morts, ils n’ont toujours pas cérémonie commémorative, contrairement aux Résistants vainqueurs qui les ont remplacés dans le récit national.
En étudiant le destin d’une centaine de ces anonymes ou célébrités et en utilisant les travaux les plus récents, Rémi Dalisson tente de comprendre la fabrique de ce dénigrement commencé dès 1939, aggravé pendant la débâcle et généralisé après-guerre. Les expériences et retours de ces soldats oubliés deviennent un traumatisme qui n’est toujours pas guéri au soir de leur vie. Car la République et la société ont préféré les ignorer ou les moquer, malgré leur nombre et leur rôle dans la reconstruction du pays. Tous les moyens étatiques comme l’école, les décorations, les monuments ou les noms de rues, mais aussi la chanson, le cinéma ou télévision les ont longtemps marginalisés avant que leur lente disparition ne pousse le pays, quelques historiens des Mémorial Studies et les nouveaux médias à mieux les étudier pour les comprendre, sans cependant les honorer officiellement.
Mais à l’heure du réveil des pulsions nationalistes en Europe et de la confusion entre histoire et mémoire, il est grand temps de tirer les leçons du destin d’une génération méconnue, « tombée pour la France » comme celle de la Grande Guerre, mais qui attend encore sa juste reconnaissance.
Plus de renseignements seront bientôt disponibles sur le site de l’éditeur
Table des matières
Introduction
Première partie – Les soldats de la défaite : Du vain sacrifice à l’instrumentalisation, les bases du malentendu mémoriel (1939-1944)
Chapitre premier – Du « balcon en forêt » à la défaite : contresens, faillites et amertume
- Génération drôle de guerre : attendre et s’accoutumer
- Mobilisation, effort de guerre et perceptions
- L’étrange quotidien: désœuvrement et accommodements
- Mourir pour rien ? Défaite et effondrement général
- Bataille de France, défaite d’une certaine France
- Les soldats de 40, incarnation du délitement général
Chapitre second – Des victimes-héros providentiels : malentendu vichyste et réalité
- Prisonniers de la honte : communauté, hétérogénéité et perceptions
- Deux millions de prisonniers : destins et communauté de l’absence
- Jours tranquilles au Stalag : réalités et perceptions
- Les conscrits de 39-40 : héros de Vichy ou allégorie d’une France occupée ?
- De la compassion à l’instrumentalisation
- Résistances, fuites et accommodements au « front des barbelés »
Chapitre trois – Les retours : au village sans prétention, la mauvaise réputation
- Les rapatriements : entre soulagement, honte et résilience
- Pluralité des retours, pluralité des mémoires
- Choses dites, choses vues : la découverte d’une nouvelle France
- L’impossible mémoire immédiate des soldats de « l’étrange défaite »
- Improvisation étatique, confusions et errements
- Représentations et psychologie des « enfants chéris de Vichy »
Seconde partie – la mémoire entravée : une génération entre dépossession, imaginaire national et relectures (1945 à nos jours)
Chapitre quatre – Les oubliés d’une représentation collective : une mémoire qui flanche…
- Escamotage et concurrence mémorielle
- Le hold-up mémoriel de l’après-guerre
- Expérience relativisée, mémoire minorée
- L’affrontement entre mémoire « d’en bas » et politique publique
- Un refuge associatif pour les prisonniers
- Les outils d’une politique étatique : le combat des honneurs
Chapitre cinq -La fabrique d’une représentation pendant les Trente Glorieuses
- Le modelage du territoire et des esprits : discours et représentations
- Monuments, commémorations et école : éluder une mémoire gênante
- Radio et cinéma : la « fernandélisation » d’une génération
- Génération 40 et baby-boom : recompositions et nouveaux regards
- Les Trente glorieuses : une génération entre travail et reconquête
- Fin de siècle : relectures d’une guerre et de ses stéréotypes
- Echos étatiques, médiatiques et scolaires d’un renouveau
Chapitre six – Dire, comprendre & penser « le syndrome de 1940 »
- Enjeux, mots et représentations des derniers soldats de quarante
- Etudier et témoigner malgré les légendes
- La complexité retrouvée : regards divergents sur 1940
- Nouveaux paradigmes et mondialisation d’une problématique
- Nouvelles pratiques mémorielles, nouveaux outils historiques
- Mondialisation, traumatismes et perspectives : quarante et après ?
Conclusion