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La guerre de siège de l’Antiquité à l’époque Moderne

Date / Heure
Date(s) - 23/03/2016
Toute la journée

Emplacement
Université de Rouen - Maison de l'Université

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Sous la direction de Michèle Virol, Pierre Cosme, Gille Grivaud et Dan Ioan Muresan – Salle divisible Nord de la Maison de l’Université (Mont-Saint-Aignan)

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En histoire militaire, la guerre de siège représente une phase particulière des campagnes de conquête, phase qui peut être éclairée sous plusieurs angles. En premier lieu, les contingences matérielles, techniques et stratégiques méritent d’être observées, car le déploiement massif de troupes et de canons ne débouche pas toujours sur la victoire attendue ; en cas d’issue positive, le siège distingue le prince qui l’a conduit, alors que l’échec provoque une enquête pour trahison. Le plus souvent, par économie, l’assaillant préfère ouvrir des négociations pour emporter la place ; dès lors, les pourparlers intègrent des dimensions politiques et sociales déterminantes, surtout en période de guerres civiles, lorsqu’il faut établir les conditions d’une reddition.
En proposant l’examen de plusieurs cas concrets, empruntés tant à l’histoire ancienne qu’à l’histoire médiévale et à l’histoire moderne, cette journée d’études soumet à la réflexion une série de situations, qui mènent à considérer quelques sièges célèbres prenant part à des conflits plus larges, et que la littérature secondaire a parfois présentés comme des oppositions de nature civilisationnelle : les guerres puniques, les campagnes de Justinien contre les Goths, les croisades, la résistance à l’essor de l’Empire ottoman, l’expansion de la France sous le règne de Louis XIV.

Programme (en pdf)

  • 9h15 : Accueil
  • 9h30 : Pierre Cosme (Université de Rouen), ” Quand les Romains assiégeaient Rome ” ().
  • 10h00 : François Cadiou (Université de Bordeaux), ” Les escargots de Numidie. La guerre de siège dans le Bellum Iugurthinum de Salluste ” ().
  • 10h30 : Maxime Emion (doctorant, Université Rouen), ” Sièges, négociations et redditions dans l’Antiquité tardive : le cas de la reconquête de l’Italie au VIe siècle ” ().
  • 11h00 : Paul Vo-Ha (docteur, UMR 8066 – IHMC), ” Une reddition infamante : Exilles, 1708-1709 ” ().
  • 12h00 : Questions
  • 12h30 : Repas
  • 14h00 : Edouard Baraton (doctorant, Université de Rouen), ” La principauté assiégée, les sièges de Laodicée et d’Antioche, révélateurs des relations locales gréco-latines aux XIIe et XIIIe siècles ” ().
  • 14h 30 : Dan Ioan Muresan (Université de Rouen), ” Le siège de Constantinople (1453) : l’impossible reddition ” ().
  • 15h00 : Emanuel Antoche (CETOBaC, UMR 8032, EHESS-CNRS), ” Siège et bataille de Belgrade (29 juin-22 juillet 1456) ” ().
  • 15h30 : Questions
    Pause
  • 16h15 : Gilles Grivaud (Université de Rouen), ” Stratégies et politique à l’œuvre lors des sièges de Nicosie et Famagouste (1570-1571) ” ().
  • 16h45 : Kevin Lebrument (master, Université de Rouen), ” La chute du ‘regno di Candia’ (1669). Le siège le plus long de l’histoire ? ” ().
  • 17h15 : Michèle Virol (Université de Rouen), ” Quand le fils de Louis XIV dirige un siège : baptême du feu et moyens exceptionnels (Philippsbourg,1688) ” ().
  • 17h45 : Questions et conclusion

Programme détaillé

  • 9h30 : Pierre Cosme (Université de Rouen), ” Quand les Romains assiégeaient Rome “.
    La longue histoire militaire de Rome est riche de nombreux récits de sièges, sièges de villes en-nemies par les Romains, siège de Rome par des ennemis extérieurs. Mais il est aussi arrivé, en périodes de guerres civiles, que Rome soit assiégée et prise par une des factions engagées. Ces cas, certes peu nombreux, méritent d’être étudiés en prêtant attention aux mêmes éléments que pour les autres sièges : les moyens militaires mis en oeuvre, les rapports entre civils et militaires, les négociations entre assiégeants et assiégés, le sort réservé aux vaincus… Du premier coup d’Etat de Sylla à la mort de Vitellius, on pourra ainsi mieux cerner certaines spécificités des guerres civiles à Rome et la place qu’y tenait l’Vrbs.
  • 10h00 : François Cadiou (Université de Bordeaux), ” Les escargots de Numidie. La guerre de siège dans le Bellum Iugurthinum de Salluste “.
    A partir d’une anecdote célèbre racontée en détail par Salluste dans La Guerre de Jugurtha (BJ, 92.5-94), la communication se propose d’évaluer la place accordée aux sièges des places fortes dans une campagne militaire réputée dans l’historiographie moderne pour la grande mobilité des belligérants. La portée exemplaire conférée par Salluste à la prise laborieuse d’un mediocre castel-lum numide invite également à s’interroger sur la fonction de certains récits de siège dans l’historiographie antique.
  • 10h30 : Maxime Emion (doctorant, Université Rouen), ” Sièges, négociations et redditions dans l’Antiquité tardive : le cas de la reconquête de l’Italie au VIe siècle “.
    La reconquête de l’Occident fût l’un des enjeux majeurs du règne de Justinien. En Italie, le conflit contre les Ostrogoths s’enlisa pendant plus de vingt ans, et les récits de Procope et de son conti-nuateur Agathias permettent de mettre en évidence le rôle central des sièges dans cette guerre : on recense ainsi plus de 70 épisodes poliorcétiques entre 536 et 561. Évidemment, tous ne s’achevèrent pas par la prise violente de la place forte, car la négociation restait une option privilé-giée pouvant être employée à n’importe quel moment d’un siège. Les récents travaux de L. I. R. Petersen sur la guerre de siège dans l’Antiquité tardive, qui permettent de resituer le cas italien dans un cadre chronologique et géographique large, n’ont à notre avis pas suffisamment insisté sur ces pratiques. Cette communication analysera donc les épisodes de négociations pendant la guerre gothique de Justinien : on s’intéressera notamment aux acteurs (Goths, Romains, Italiens…), aux pratiques (oralité ou écrit, prises d’otages, menaces et promesses…) et aux conditions de reddition (prise en compte du contexte stratégique, délais, statut des vaincus, respect ou non de ces condi-tions…).
  • 11h00 : Paul Vo-Ha (docteur, UMR 8066 – IHMC), ” Une reddition infamante : Exilles, 1708-1709 “.
    En août 1708, les Savoyards lancent l’offensive pour s’emparer des cols alpestres et tenter d’envahir le Dauphiné. Laboulaye, qui commande pour Louis XIV la garnison d’Exilles, se rend prisonnier de guerre après quelques jours de résistance. Alors que les revers français s’accumulent, sa courte dé-fense, à l’heure d’une économie de la guerre qui impose aux gouverneurs de tenir le plus longtemps possible afin d’épuiser les forces ennemies le rend suspect aux yeux de ses supérieurs et de la cour. Un procès pour lâcheté et trahison s’ouvre alors, mobilisant la justice extraordinaire et retenue du monarque.
  • 14h00 : Edouard Baraton (doctorant, Université de Rouen), ” La principauté assiégée, les sièges de Laodicée et d’Antioche, révélateurs des relations locales gréco-latines aux XIIe et XIIIe siècles “.
    L’axe de la réflexion est orienté sur les éléments que les circonstances dramatiques des sièges d’Antioche (1268) et de Laodicée (1100 et 1188) permettent de saisir de l’évolution des rapports entre les différents éléments chrétiens de ces deux villes. L’accent est mis selon les cas sur les divergences internes à la cité, que traduisent des actions hostiles d’une communauté envers l’autre, ou à l’inverse sur l’unité dans l’adversité.
    Nous pouvons aussi suivre le degré d’intégration des différents éléments confessionnels de la popu-lation assiégée à travers la politique adoptée par l’assiégeant à leur égard. Là encore, ces trois sièges présentent des cas très hétérogènes, mais qui prennent leur sens dans la trajectoire histo-rique de la principauté d’Antioche.
  • 14h 30 : Dan Ioan Muresan (Université de Rouen), ” Le siège de Constantinople (1453) : l’impossible reddition “.
    Durant le siège de Constantinople de 1453, le sultan Mehmed II adressa, selon la loi isla-mique, trois ultimatums avant l’attaque finale, en offrant à l’empereur Constantin XII le choix entre une retraite honorable en Péloponnèse avec son peuple, d’un côté, ou le massacre des défenseurs, la réduction en esclavage de la population et le sac méthodique de la Cité, de l’autre. Face à cette al-ternative, l’empereur et les sénateurs répondirent en offrant des cessions territoriales et l’augmentation du tribut, mais affirmèrent en même temps que « pour ce qui est de la Ville, il n’est pas dans notre autorité ni à quiconque d’autre des ses habitants de te la donner ». Après la Prise de la ville, lorsque le sultan reprocha à Luc Notaras cette résistance entêtée et apparemment irraison-nable qui avait conduit à la destruction complète de la Ville, le grand duc réaffirma la même posi-tion de principe : « Seigneur, nous n’avions guère cette autorité de te rendre la Ville, ni même l’empereur lui-même ! ».
    Les termes de cette négociation interpellent par cette curieuse formulation. Pourquoi en effet l’empereur et le sénat réunis – censés représenter l’autorité suprême de l’Etat – avouaient vertement une telle limite de cette autorité, leur interdisant de capituler au nom de la Ville, de décider donc du sort ultime de la communauté politique ? Qu’était au juste cette limite de l’autorité impériale sur la Ville ? Qu’en était de ce lien indissoluble entre la Ville et la population qui l’habitait ? C’est préci-sément l’analyse des structures défensives mises en œuvre lors du dernier siège médiéval de Cons-tantinople qui fait ressurgir, dans un climat d’état d’urgence, les principes fondateurs mêmes de la communauté politique romaïque.
  • 15h00 : Emanuel Antoche (CETOBaC, UMR 8032, EHESS-CNRS), ” Siège et bataille de Belgrade (29 juin-22 juillet 1456) “.
    L’expansion territoriale de l’Etat ottoman dans le Sud-est de l’Europe et dans l’Asie Mi-neure, au XVe siècle, est due principalement à son organisation militaire basée sur les troupes kapï kulu (l’armée du sultan, l’armée de la Porte), considérée à juste titre, la première armée profession-nelle des temps modernes. Durant les campagnes sultanales, elle se trouve renforcée par les levées des spahis timariots et par les azabs, cavaliers et fantassins qui constituent les gros effectifs des forces opérationnelles. Durant les règnes de Murâd II (1421-1451) et de Mehmed II (1451-1481), l’Empire ottoman est la seule puissance européenne capable d’aligner sur un champ de bataille entre 50 et 70.000 soldats bien entraînés et soutenus logistiquement.
    Les victoires militaires des sultans sur le front européen sont prestigieuses : Zlatica (1443), Varna (1444), Kosovopolje (1448), siège et prise de Constantinople (1453). Rien ne semble pouvoir arrêter le rouleau compresseur ottoman dans sa marche vers l’Europe Centrale.
    Le 29 juin 1456, à la tête d’une armée estimée à 60.000 combattants, le sultan Mehmed II en-tame le siège de Belgrade, (en hongrois Nándorfehérvár, ancienne ville romaine de Singidunum), sur le Danube, qui défend la frontière méridionale du royaume de Hongrie. Les assauts des janissaires butent sur la résistence opiniatre des 7.000 défenseurs sous les ordres de Michel Szilágyi, beau-frère de Jean Hunyadi. Le 14 juillet, celui-ci arrive avec les troupes de renfort (9.000 hommes) au secours des assiégés. Les foules croisées rassemblées par le franciscain Jean de Capistran (25 à 30.000 pèle-rins) le suivent.Suite à un engagement avec la flotte fluviale hongroise du Danube, les navires ottomans qui assu-rent le blocus sont coulés. Le 21 juillet, l’assaut ordonné par le sultan échoue à son tour. Le lende-main, dans la bataille qui se déroule à l’extérieur des murailles, l’artillerie et le campement de l’armée turque sont finalement capturés par les troupes croisées. Blessé à la cuisse par un coup de flèche, Mehmed II est sauvé en extremis par ses gardes.
    Un examen poussé des sources ottomanes et chrétiennes relatives au siège nous permettra d’éclaircir davantage les causes de l’échec subi par l’armée du sultan. Un autre aspect de notre ana-lyse concerne la complexité des opérations militaires qui se sont déroulés à l’intérieur et à l’extérieur de la cité durant trois semaines de combats ininterrompus : siège, bataille navale, assaut qui se trans-forme dans un affrontement généralisé à l’intérieur des murs (21 juillet), bataille rangée à l’extérieur (22 juillet).
    Notons enfin, pour révéler les dimensions de cet affrontement, que Belgrade est la seule ba-taille européenne du XVe siècle dans laquelle les effectifs réunis des armées belligérantes dépassent les 100.000 combattants.
  • 16h15 : Gilles Grivaud (Université de Rouen), ” Stratégies et politique à l’œuvre lors des sièges de Nicosie et Famagouste (1570-1571) “.
    La guerre de Chypre se résume aux sièges des deux principales forteresses, Nicosie et Fama-gouste, mais si la capitale insulaire est enlevée par les Ottomans au terme d’un siège de sept se-maines, le grand port résiste treize mois au blocus avant de se résoudre à la reddition. Face aux forces mobilisées par l’Empire ottoman, Venise adopte une stratégie inadaptée, qui révèle les fai-blesses de son organisation militaire, ainsi que les contradictions de son administration sociale et politique dans l’île.
  • 16h45 : Kevin Lebrument (master, Université de Rouen), ” La chute du ‘regno di Candia’ (1669). Le siège le plus long de l’histoire ? “.
    Si l’histoire de la guerre de siège regorge de cas exceptionnels, celui de Candie est absolument unique. Il ne fallut pas moins de vingt et un ans (1645 – 1669) à l’Empire ottoman pour s’emparer de cette ville stra-tégique, alors possession vénitienne, qui assurait le contrôle de la Crête et d’une grande partie de la mé-diterranée orientale. Cette lutte acharnée entre orient et occident sur quelques kilomètres carrés dé-chaina les passions en Europe à tel point qu’une certaine idéologie de la croisade refit surface en cette fin du XVIIe siècle. Mais le siège de la ville dura-t-il réellement plus de vingt ans ? Cette guerre sanglante matérialisa-t-elle réellement cette supposée haine profonde entre chrétiens et musulmans ? Comment le contexte politique européen influença-t-il le destin de la dernière colonie vénitienne ? Une chose est certaine, ce siège fut un des plus meurtriers de l’histoire.
  • 17h15 : Michèle Virol (Université de Rouen), ” Quand le fils de Louis XIV dirige un siège : baptême du feu et moyens exceptionnels (Philippsbourg,1688)
    Pour l’apprentissage guerrier de son métier de roi, Louis XIV offre à son fils le commandement des armées et la direction du siège qui ouvre la guerre de la ligue d’Augsbourg (1688-1697). Pour lui, il mobilise des moyens considérables qui mettent en évidence l’organisation logistique de l’administration du secrétariat d’Etat de la guerre, la répartition des responsabilités lors d’un siège entre les troupes et les techniciens, le rôle majeur de l’artillerie. Le dauphin ajoutera au coût très élevé du siège de nombreuses gratifications qui témoignent de sa libéralité de futur roi et de son admiration pour le courage et les compétences de ceux qui ont permis la prise de la place-forte.

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